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Renaissance

  • Photo du rédacteur: Laurent Biteau
    Laurent Biteau
  • 20 nov. 2016
  • 3 min de lecture

Le printemps frappe à la porte, sonne au couloir de leur vie,

En Mars, tout comme les bourgeons éclosent,

Ses yeux s’ouvrent tout à coup,

Découvrant le spectacle d’une année qui débute,

D’une cellule qui se métamorphose, s’enrichit.

La feuille naissante apprivoise la branche qui la soutient,

Elle s’accroche à ces corps qui la fécondèrent

Et petit à petit s’approprie ce qui l’entoure, verdit.

Dans les veines de sa ramure, coule le sang de l’enfance,

Elle s’enhardit, courre, résiste aux vents qui voudraient l’arracher,

Comprend bientôt le sens de sa destinée :

Oxygène vital pour la feuille qui la transforme,

Air indispensable à ses poumons qui sans cesse la rejette.

Déjà un mois, elle a grandi,

Elle s’étale désormais en une communauté verdoyante,

Elle ose ses huit ans, affronte la connaissance qui l’entoure,

S’étonne, s’amuse avec les éléments, joue à se faire peur,

S’aventure à lâcher cette main naguère si protectrice.

La branche est devenue son bras, son soutien inaltérable.

Elle veut devenir grande, elle revendique devenir belle, tenir son rôle.

Bientôt quinze ans, le mois de mai s’est annoncé, invité, imposé.

Au jour des amours débutants, l’arbre profite de l’Autan,

Pour offrir les semences.

La feuille tantôt les retient, tantôt les dispense.

Au jeu de cette ivresse, son corps tout entier se façonne,

Elle enlace, embrasse, s’abreuve avec impatience

De l’envie de l’autre pour se confondre en lui.

Apprend le jeu de l’éternité de l’univers,

Ou la désuétude de son inutilité.

Lorsque viennent les derniers jours de juin, elle est enfin prête,

Elle transmet, respire la molécule sans laquelle rien n’est plus ;

vingt ans, le soleil étale ses rayons,

La feuille de l’été, forme l’ombre du repos

Les amours de mai récoltent les fruits de juillet,

Tout devient alors possible, force, grâce.

Large feuille protectrice d’un couple d’oiseaux au nid si fragile !

On s’est promis pour la vie, l’arbre, c’est juré,

Gardera sa verdure, l’embellira, la renforcera

Elle a trente ans, pense qu’à trente ans,

Tout commence, qu’elle est reine,

Que rien ne pourra l’arracher à sa branche.

Tout juste une pointe écornée par un orage,

A peine une entaille qu’un oiseau a picoré.

Qu’importe, si peu verra-t-on la cicatrice.

La feuille de l’arbre fête ses quarante ans,

Insidieusement la sécheresse d’août

Ride la peau jadis si fraîche,

Les nervures de la feuille s’imprègnent de quelques bactéries,

Doucement le pas se fait plus court,

La rouille garnit le vert autrefois scintillant,

Septembre guette les premiers grands vents,

Quelques feuilles, oh si peu, ont baissé leurs armes.

Cinquante ans, chantre de l’automne,

Où l’on regarde la forêt sous son nouvel aspect.

Le sol craque sous le pied,

La branche autrefois si ferme compte ses rameaux

Comme elle perd sa chevelure.

La feuille se fait pourtant belle,

Change de parure, colore ses joues,

Agrémente ses lèvres d’un peu de rouge,

Elle séduit encore le promeneur qui la regarde,

Émerveillée par tant de chatoyance.

Mais le cœur est-il encore aux ébats d’antan ?

Et même si le soleil d’été tarde à s’évanouir,

Octobre est là pour lui rappeler

Qu’un jour finira et qu’à déjà 60 ans, le voyage se prépare,

Le compte à rebours débute.

Octobre plie à jamais ses habits de jeunesse,

Précieusement le coffre se referme sur cette insouciance perdue,

La feuille voudrait garder de son passé,

Le chant de l’oisillon qui naît au nid,

Ou le bruissement de l’insecte ruisselant de pollen

Qui se pose pour quelque moment sur sa robe.

Mais novembre engloutit l’espoir d’un renouveau.

C’est le moment des constats, c’est l’instant des espoirs vaincus,

C’est le regret des projets non assouvis,

C’est la rêverie des moments passés heureux,

Que seule une larme coulée sur la feuille de décembre qui approche,

Rappelle aux souvenirs qui résistent encore au temps.

Quatre fois vingt ans : elle oublie pour un instant les jours qui défilent

Et qui tout à coup fragilisent la branche à laquelle elle s’accrochait.

Elle a pourtant résisté, les vents, les pluies, les tempêtes,

Ont enfin raison de sa résistance et feuille sans un mot, sans un pleur

Rejoint par un heureux hasard,

Le balcon de la vieille femme endormie à jamais.

Les neiges vont bientôt recouvrir la terre de janvier.

Le marron se décompose peu à peu,

Devient pourriture, puis terreau.

Tout juste quelques proches honore-t-il leur faste passé commun,

La délicatesse de leurs couleurs,

La singularité de leur destin.

Désormais février peut terminer le dur labeur de la vie.

La terre les a fait naître, la terre les voit mourir.

Quelque part mars s’impatience,

Une jeune femme affolée,

Ventre rond gonflé écarte ses cuisses pour donner vie,

A la fenêtre de la chambre ou elle s’époumone,

Une feuille naissante du bourgeon

S’enracine à la branche d’une nouvelle saison.

 
 
 

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